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Pour certains c’est une source de motivation et pour d’autres, une épine dans le pied. Mais une chose est certaine : c’est impossible d’y échapper. Pour être durables, les entreprises doivent régulièrement évaluer leur performance. Il est donc super important qu’une liste d’indicateurs fiables soit établie. Sans surprise, la rentabilité est la variable d’analyse la plus utilisée.
Mais que fait-on quand les résultats attendus ne se mesurent pas en chiffres? C’est le cas, par exemple, des organismes à but non lucratif et des services publics dont les réussites sont davantage d’ordre intangible. Doivent-ils pour autant avancer à tâtons, les doigts croisés, dans l’espoir que tout se passe bien?
Bien sûr que non! Il y a plusieurs façons de mettre en place des indicateurs de performance sur mesure pour ton entreprise. Je t’explique comment faire.
Dans cet article:
Étape 1 : savoir ce qu’on veut – définir les objectifs
D’abord, je te conseille de laisser de côté les objectifs SMART. C’est un modèle très intéressant, mais il a perdu de sa justesse lorsque l’acronyme a été traduit de l’anglais au français.
Je me suis donc amusée à le remettre en question. Et en jouant avec les lettres… bingo! J’ai découvert l’acronyme qui définit parfaitement ce qu’est un bon objectif pour moi : RAPPORT.
Réaliste, Ambitieux, Pertinent, Précis, Observable, Relié à la vision, Temporellement défini
C’est un mot en français, facile à retenir… et, en bonus, je trouve ça plutôt amusant de m’entendre dire à un client que ses objectifs n’ont pas RAPPORT.
Des objectifs qui ont RAPPORT, c’est quoi exactement?
(Dans un but d’efficacité et de clarté, j’ai joué un peu avec l’ordre des lettres de l’acronyme. J’en ai également combiné certaines en raison de leur grande compatibilité.)
Réaliste et Temporellement défini
Pour savoir si un objectif est réaliste, tu dois évaluer la situation actuelle de ton entreprise et déterminer ce qui peut être fait pour l’améliorer et obtenir les résultats désirés.
Mais ce n’est pas tout! Le délai à l’intérieur duquel tu prévois les atteindre doit lui aussi être convenable. À elle seule, c’est une variable qui peut faire la différence entre le succès ou l’échec.
Ambitieux
N’aie pas peur de viser haut.
Et si tu trouves ça trop vertigineux – ou irréaliste – de voir «grand», divise tes objectifs ambitieux en plusieurs sous-objectifs. Ensuite, détermine le temps et les ressources dont tu auras besoin en fonction du résultat attendu de ce sous-objectif.
Pertinent et relié à la vision
Il est facile de se perdre en cours de chemin et d’oublier la vision qui a fait naître notre objectif. Alors quand tu as un doute, arrête-toi et pense à ta vision comme à une boussole. Elle te montrera la direction que tu dois prendre.
Une fois cette étape terminée, assure-toi que le temps ou les moyens dont tu disposes sont optimaux pour te mener à bon port.
Passeras-tu par le lac ou la montagne? Avanceras-tu en ligne droite ou devras-tu faire un détour pour contourner un obstacle? Est-ce réellement le meilleur moment pour entamer ce voyage?
Précis et observable
Tu l’as sûrement remarqué, je préfère utiliser le terme «observable» plutôt que «mesurable». Pourquoi? Parce que le mot «mesurable» sous-tend une notion de quantité. Pourtant, un objectif intangible est, lui aussi, observable.
Alors, ce qui est important, c’est que tu puisses décrire précisément la réalité qui sera observable lorsque ton but sera atteint.
Il doit être tellement clair qu’aucun doute ne subsistera : tu sauras immédiatement s’il est accompli ou non.
Et ce n’est pas obligé d’être compliqué. Ça peut autant être d’obtenir un sourire à la fin d’une rencontre qu’un ROI de 132%. Les deux sont tout aussi pertinents et observables.
Étape 2 : savoir d’où on part
La condition actuelle
Évidemment, si l’on veut être en mesure de constater les améliorations ou la progression de notre performance, il est important d’avoir dès le départ un portrait réaliste de la situation telle qu’elle existe aujourd’hui. Et pour y arriver, tu dois observer les faits et les données qui la décrivent.
Surtout, pas de panique! Ce n’est pas aussi compliqué que ça en a l’air : les informations que tu as en main ne sont pas obligées d’être toujours d’une absolue exactitude pour être efficaces.
Après tout, la tasse de farine dont tu as besoin pour préparer ton gâteau préféré est une approximation. Penses-y! Tu ne comptes pas chaque grain individuellement.
Ça te semble un peu confus?
Voici quelques questions qui t’aideront à faire le point sur ta situation actuelle sans trop t’enfarger dans les fleurs du tapis :
- Qu’est-ce qui t’a fait réaliser que tu devais te fixer un objectif?
- Quelles preuves as-tu réunies pour démontrer que tu dois améliorer quelque chose?
- Quelles sont les données dont tu disposes présentement?
- Qu’as-tu besoin de savoir pour évaluer la satisfaction de ta clientèle?
Les mesures pertinentes
Attention! Certaines mesures, surtout si elles ont peu ou pas d’impact sur la performance, peuvent biaiser ta prise de décision.
Il serait aussi totalement contreproductif d’y inclure des indicateurs, situations ou phénomènes sur lesquels tu n’as aucun contrôle.
C’est ce qui arrive, par exemple, lorsque le travail d’un employé est évalué sans qu’on accorde d’importance aux contraintes que l’organisation lui impose.
Il est donc essentiel de trouver l’obstacle qui limite le système et de l’améliorer AVANT d’analyser ses composantes. C’est-à-dire, entre autres, de trouver ce qui bloque la prestation professionnelle d’une personne AVANT de la juger.
Mesurer l’intangible
MAIS tout n’est pas facile à mesurer pour autant. C’est le cas des données intangibles qui nécessitent l’utilisation d’indicateurs qualitatifs plutôt que quantitatifs.
Voici quelques exemples dans lesquels tu peux piger :
- La fréquence (ça arrive plus souvent, moins souvent, une fréquence régulière, cyclique, saisonnière, aléatoire?)
- La variation statistique (est-ce que c’est toujours la même chose ou ça change?)
- Le temps ou la durée (combien de temps ça dure? Combien de temps ça prend?)
- Le classement (dans quelle catégorie ça se situe? Ce phénomène est plus ou moins fréquent qu’un autre phénomène comparable? Quel est le top 5?)
- Le compte (combien de fois ça arrive?)
- L’échantillon (en mesurant une partie, qu’est-ce qu’on peut déduire à propos du reste?)
- La probabilité (à quel point est-on certain que ça va se produire?)
Tu as choisi tes indicateurs de performance? Bravo! Maintenant, tu dois t’assurer qu’ils sont pertinents pour ton d’entreprise.
Pour stimuler ta réflexion, pose-toi ces quelques questions :
- Est-il relié à ce que tu veux accomplir (tes objectifs, ta mission)?
- Est-il compris par ceux qui exécutent le travail et leur donne-t-il des informations sur leur performance?
- Reflète-t-il le plus fidèlement possible l’expérience et la réalité des personnes qui travaillent?
- Est-ce que l’effort que ça demande pour le mesurer (investissement, temps, système, etc.) est proportionnel à la valeur de l’information que ça rapporte?
- L’extrapolation (si on connaît un phénomène comparable ou similaire, qu’est-ce qu’on peut associer à ce nouveau phénomène?)
- L’observation directe (que peut-on savoir de façon qualitative sur le phénomène?)
- La simulation (calculer notre mesure à partir de paramètres connus, tester une hypothèse, réaliser une expérience à plus petite échelle)
Étape 3 : mesurer la progression
Succès, Efficacité, Efficience
Succès, efficacité et efficience sont très souvent confondus quand vient le temps d’évaluer la performance d’une entreprise. Pourtant, ces 3 mots contiennent des nuances importantes à saisir.
Succès : atteindre un objectif
Efficacité : Faire une comparaison entre le résultat et l’objectif
Efficience : faire une comparaison entre le résultat et les ressources utilisées
D’ailleurs, savais-tu que ces variables n’ont pas besoin d’être atteintes toutes les 3 pour mesurer adéquatement ta progression?
Je te donne deux exemples :
Exemple 1
Quand un athlète se prépare pour les Jeux olympiques, son seul objectif, c’est de se dépasser. Il se donne donc corps et âme lors de ses entraînements, sans compter ses efforts.
L’efficience, dans son cas, n’entre pas dans l’équation. Ce qu’il peut mesurer, par contre, c’est :
- L’efficacité de son entraînement
- Son succès selon son objectif de classement.
Exemple 2
Tu injectes un gros montant d’argent dans ton entreprise. Ton objectif est, évidemment de récolter en retour un bon rendement. Tu ne veux surtout pas avoir gaspillé tes efforts ou ton capital. Dans ce cas-ci, ce que tu prendras en considération c’est :
- L’efficience. Car tu souhaites obtenir les meilleurs résultats pour le temps ou l’argent que tu as investi.
Indicateur de résultats, indicateurs de processus
À l’intérieur de ta liste d’indicateurs, il y a 2 principales «sous-catégories» : les indicateurs de résultat et les indicateurs de processus.
L’indicateur de résultat
C’est celui qui est visible et évident. Le «in your face» de ton client.
C’est une variable dépendante (tu peux le calculer ou l’estimer à partir de tes autres indicateurs) qui est directement liée à ton problème ou à ton objectif principal.
Il te permet de savoir rapidement si tu as atteint ta cible ou non.
Indicateur de processus
L’indicateur de processus se trouve derrière le résultat. C’est l’indicateur intermédiaire qui l’appuie et contribue à ce qu’il soit atteint.
Il te permet de savoir si le processus fonctionne comme prévu et sur quoi tu peux agir si tel n’est pas le cas
Exemples :
Comme tu peux le constater, même si, oui, la rentabilité est souvent en tête de liste, il y a une panoplie d’autres façons de mesurer la performance de ton entreprise. Et ce, même quand tes résultats ne sont pas quantifiables.
Alors, plutôt que d’angoisser ou d’y aller à l’aveuglette, vois-le comme une occasion de réinventer les règles du jeu. Après tout, c’est toi qui décides si tes objectifs ont RAPPORT ou non…
Ce contenu est disponible en formation de format demi-journée ou journée complète.
Par Julie Savage-Fournier
Ingénieure industrielle
Lean Six Sigma Master Black Belt
Catégorie Performance