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Ces dernières années, notre bien-être mental en a pris un coup en raison de la fatigue causée par Zoom et l’épuisement professionnel lié au télétravail, puis les nombreuses adaptations et réadaptations que les politiques de travail hybride ou le retour au bureau ont occasionné. Le retour à la normale n’a pas été aussi normal qu’on le pensait puisque certaines mauvaises habitudes se sont incrustées.
Toutefois, ces problèmes ne sont pas le fruit d’un événement en particulier, ces changements sont simplement venus augmenter les niveaux de stress, dévoilant ainsi la fragilité de notre bien-être au travail.
Dans cet article, vous découvrirez des façons simples de réduire le gaspillage de votre jus de cerveau, et comment celles-ci peuvent contribuer à la fois à la productivité et au bien-être des membres de votre organisation.
Vous verrez aussi que de nombreux principes Lean peuvent être mis en place pour créer des milieux de travail qui contribuent au bien-être de notre cerveau et que ces principes sont faciles à intégrer à vos routines d’amélioration continue.
Dans cet article:
- Bien-être mental, une responsabilité individuelle?
- Réduire sa charge mentale au travail : des listes de tâches aux déclencheurs
- Augmenter sa concentration au travail : trouvez l’équilibre entre temps de collaboration et temps de concentration
- Se reposer et se ressourcer ne veut pas dire « ne rien faire »
- Continuer la lecture
- Questions bonus
Bien-être mental, une responsabilité individuelle?
Depuis des décennies, on sait qu’il faut bien entretenir les machines pour assurer leur productivité. Pourtant, on en connait très peu sur les façons de garder notre cerveau en bon état de marche, et ce, même s’il est maintenant le principal outil de travail de bien de gens.
La plupart des articles et conseils affirment que nous sommes tous personnellement responsables de notre bien-être mental : se reposer, adopter un mode de vie sain, méditer, etc.
Ce n’est pas ce que je veux aborder aujourd’hui. Pourquoi? Parce que la façon dont les milieux de travail et les processus sont conçus peuvent surcharger notre cerveau, bien souvent avec des éléments très faciles à changer.
L’hygiène mentale n’est pas qu’une responsabilité individuelle.
Réduire sa charge mentale au travail : des listes de tâches aux déclencheurs
Voyons notre cerveau comme une usine :
La mémoire correspond aux « surplus d’inventaire » de nos processus mentaux. De son côté, la mémoire à long terme équivaut à « l’entrepôt », soit la « mémoire d’événements » et enfin, la mémoire de travail est représentée par les « tâches en cours ».
Le problème avec la « mémoire de travail » est qu’elle doit être rafraîchie toutes les 10 à 60 secondes et qu’elle utilise les ressources du cortex fronto-pariétal. Autrement dit : elle utilise la partie de votre cerveau qui a le plus besoin d’énergie pour fonctionner et rivalise avec d’autres tâches comme la « résolution de problèmes », la « compréhension de lecture » et l’« apprentissage ». Chaque fois que l’on utilise la mémoire à court terme pour effectuer une tâche, on vient réduire la capacité de notre cerveau à effectuer les autres tâches mentionnées plus haut.
Si vous vous y connaissez en planification de la production, la mémoire à court terme est la tâche à faible valeur ajoutée. Elle utilise votre coûteuse machine, qui est un goulot d’étranglement, et limite votre productivité globale. Si votre cerveau était une usine, vous feriez tout pour exécuter cette tâche ailleurs.
Pour réduire leur charge mentale, beaucoup feront des listes de tâches. Elles sont pratiques, car on peut les griffonner sur n’importe quel bout de papier ou les mettre en scène dans un carnet de notes. L’avantage d’une liste de tâches est que tout ce que vous écrivez sur papier sortira de votre charge mentale et libérera de l’espace dans votre cerveau pour la réflexion à valeur ajoutée.
C’est une stratégie très efficace pour réduire votre charge mentale, à condition de ne pas oublier de consulter votre liste!

Pour rendre votre liste encore plus efficace, vous pouvez planifier des déclencheurs. Un déclencheur est une liste qui contient un calendrier et une notification. Il peut être mis en place dans une application de calendrier, sur un tableau Kanban ou dans le cadre d’une routine. Le secret d’un bon déclencheur est de veiller à ce qu’il contienne toutes les informations nécessaires pour effectuer la tâche.
Par exemple, lors de la mise en place d’un poste de travail d’assemblage, on met toutes les pièces requises à portée de main. C’est le même principe pour le travail mental. Si on a toutes les informations regroupées au même endroit, alors on est plus efficace quand vient le moment d’effectuer la tâche. On peut utiliser des mots-clics, des règles de courriel, ou encore des étiquettes (pour remplacer la méthode du « classeur sur le bureau »).
La clé est de ne pas avoir à se rappeler où se trouve chaque morceau du casse-tête. Le tri et le classement n’ont pas disparu simplement parce que le fouillis est devenu virtuel.
Augmenter sa concentration au travail : trouvez l’équilibre entre temps de collaboration et temps de concentration
La concentration est une autre partie du cerveau qui demande beaucoup d’énergie. L’adulte moyen peut se concentrer sur environ sept choses à la fois. Et par choses, on entend la forme d’information la plus élémentaire, comme un mot, une lettre ou un chiffre.
Beaucoup de gens croient qu’ils peuvent faire du multitâche, mais en réalité, ils ne font que transférer leur concentration d’une tâche à l’autre. Chaque interruption épuise notre cerveau. Changer de contexte prend à la fois du temps et de l’énergie. Ce n’est pas un problème quand votre cerveau ne roule pas à pleine capacité, mais lorsque la charge de travail augmente ou que la fatigue commence à s’accumuler, notre capacité à jongler avec plusieurs balles à la fois diminue d’un coup.
L’importance de la concentration au travail
Le stress, l’adaptation au changement ou l’anxiété réduiront notre concentration. Ensuite, chaque nouvelle distraction vient réduire davantage notre capacité à prêter attention à ce qui est important.
Des personnes qui travaillent de la maison m’ont dit que leur gestionnaire s’attendait à ce qu’elles répondent à leurs courriels dans les 10 minutes. Sauf qu’il faut savoir que l’interruption constante générée par l’entrée de courriels, les notifications Teams ou Slack et tous ces autres dérangements a beaucoup plus d’impact sur la productivité que le potinage entre collègues au coin de la machine à café.
L’arrivée soudaine du télétravail, puis l’utilisation des technologies collaboratives dans le travail hybride, a ajouté du stress dans la vie professionnelle et a beaucoup augmenté le nombre d’interruptions et de changements de tâches dans une journée. Ces deux facteurs combinés nuisent à notre capacité à nous concentrer sur quoi que ce soit.
Dans un milieu de travail traditionnel, si une personne doit se déplacer pour venir vous parler, elle évaluera si ce qu’elle a à vous dire vaut l’effort. Elle verra aussi si quelqu’un vous parle déjà, si vous vous concentrez sur une tâche ou si vous êtes en réunion.
En télétravail, ces efforts et repères visuels n’existent pas. La quantité d’informations et de communications que l’on reçoit a augmenté. Pas la valeur.
Les notifications, les fenêtres contextuelles et les courriels sont comme des personnes qui se battent à votre bureau pour vous parler en même temps. Elles se disputent votre attention limitée. Combien de tâches pouvez-vous accomplir pendant que des dizaines de personnes vous posent des questions sur différents sujets à la fois? Pouvez-vous répondre à toutes ces questions et continuer à travailler?
Alors, comment augmenter sa concentration au travail?
Astuces pour augmenter sa concentration au bureau et en télétravail
Dans tout milieu de travail, on doit réserver du temps pour le travail collaboratif et du temps pour le travail qui demande de la concentration. Grâce aux signaux visuels, cette approche peut être mise en œuvre sur une base individuelle au bureau. On peut augmenter notre concentration de plusieurs manières :
- fermer la porte de son bureau;
- aller dans une salle de réunion;
- mettre des écouteurs.
Quand on travaille à distance, ces moments doivent être plus stricts. Ils peuvent faire partie d’une routine commune, ou l’équipe peut s’entendre sur des signaux pour montrer quand chacun est disponible ou non.
Quand j’étais gestionnaire, j’avais une routine qui me permettait de partager mon temps entre le « Gemba1 » avec mon équipe et le travail de bureau. Cette discipline est encore plus importante dans le travail à distance, car elle permet à l’équipe de planifier son temps de collaboration et de concentration.
La flexibilité du travail à distance peut être exploitée, car le temps de collaboration est synchrone (tout le monde doit être disponible en même temps) alors que le temps de concentration est asynchrone (il peut être effectué au moment qui convient le mieux à chaque personne).
Se reposer et se ressourcer ne veut pas dire « ne rien faire »
Cette flexibilité a cependant un coût. Pour certaines personnes, il n’y a plus de frontières entre le travail et le repos. Une étude de Gallup a montré que les gens qui travaillent à distance font plus d’heures. Ça peut sembler une bonne chose pour la productivité, mais on sait que « plus d’activités » ne signifie pas « plus de valeur ».
Les employés qui travaillent plus longtemps ne peuvent pas se reposer. L’entretien des machines est essentiel à leur productivité, et c’est la même chose pour les humains qui créent de la valeur. Maintenir les gens « en bon état de marche » fait partie du travail. En d’autres mots, il faut s’assurer que les besoins humains sont satisfaits, qu’ils soient émotionnels, spirituels ou physiques.
Promouvoir une bonne hygiène de vie plutôt que de récompenser la compétition et les heures travaillées permet d’accroître la productivité. Le repos :
- nourrira la créativité;
- améliorera la capacité à résoudre les problèmes, et;
- augmentera la qualité des communications.
Les gens en télétravail sont privés des interactions sociales du bureau; ils ont besoin de temps pour vivre ces interactions ailleurs. C’est un besoin humain fondamental de connecter avec les autres, de faire de l’exercice ou de bien manger. Le temps que nous ne passons plus dans les transports doit être utilisé pour répondre à ces besoins, pas pour travailler plus d’heures non productives.
Et même quand les membres de l’équipe ont tout le nécessaire pour vérifier un dernier détail ou travailler une petite demi-heure de plus afin de terminer un rapport, la direction devrait avoir la discipline de s’abstenir de le demander. Garder une limite claire entre le travail et la maison est encore plus essentiel quand ces deux mondes occupent le même espace.
Ce contenu est disponible en mini-formation (1h30).
- Gemba: il s’agit du lieu où le travail s’effectue dans la culture Lean, il vient du mot japonais qui désigne généralement une scène de crime. ↩︎

Par Julie Savage-Fournier
Ingénieure industrielle
Lean Six Sigma Master Black Belt
Adapté d’un article originalement publié dans The Lean Mag.
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Questions bonus
Le télétravail et ses outils technologiques peut causer une augmentation des interruptions dans la vie professionnelle, ce qui nuit à la concentration et au bien-être mental. L’absence de limites claires entre le travail et le repos peut également affecter la santé mentale en incitant les employés à travailler plus longtemps sans les pauses nécessaires pour se ressourcer.
Les rencontres en visioconférences sont souvent planifiées une à la suite de l’autre sans moment de transition, ce qui empêche les micro-pauses qui permettent normalement de courts instants de répit dans la journée, comme lorsqu’on marche pour se rendre dans une salle de réunion.
D’un autre côté, le télétravail bien organisé offre la flexibilité nécessaire pour intégrer des moments de repos et d’activités personnelles durant la journée. Il permet de remplacer le temps des trajets par des activités enrichissantes comme l’exercice ou les interactions sociales, aspects essentiels au bien-être mental.
Le télétravail peut également être bénéfique pour des personnes ayant besoin de calme et de concentration pour travailler. Certaines personnes peuvent plus facilement adapter leur environnement de travail à leurs besoins en travaillant à distance, améliorant ainsi leur santé mentale.
Pour améliorer la productivité en travail hybride, on peut entre autres planifier des moments de concentration et des moments de collaboration.
Pour la concentration, des actions comme fermer la porte de son bureau, utiliser des écouteurs ou aller dans une salle de réunion peuvent minimiser les distractions. Le télétravail est également un bon choix pour les activités qui demandent de la concentration, à condition de désactiver les notifications qui pourraient nous interrompre.
Pour la collaboration, adopter une routine claire aide à optimiser le temps en rendant facile pour les équipes de reconnaître les moments de disponibilités de leurs collègues. Le travail au bureau, dans le même espace physique, est un choix logique pour les activités collaboratives. On peut également considérer tous les outils de collaboration à distance (tableaux virtuels, messagerie instantanée, partages de fichiers) lorsqu’on veut travailler en commun tout en étant éloignés.