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Comme professionnelle ou professionnel Lean, gestionnaire ou en pratiquant le Kata de coaching, avez-vous déjà vécu une situation où les gens s’accrochent à vous et ne peuvent rien faire sans votre aide? Des projets ont-ils échoué à la minute où vous avez tourné la tête? Vos équipes peuvent-elles exécuter le plan d’action sans votre coaching?
Ça m’est arrivé, et ce n’est pas une validation d’expertise ni une habileté. J’ai appris ma leçon!
Se rendre indispensable est plutôt un symptôme de faiblesse. Pour certaines personnes, cette faiblesse peut être un manque de confiance, une tendance contrôlante, une incapacité à déléguer ou encore un enseignement ou un coaching raté. Cette faiblesse fait en sorte que l’on étouffe bien vite.
Ne vous inquiétez pas, il existe des pratiques intentionnelles pour se sortir de cette situation et améliorer nos compétences de coach.
Dans cet article:
Sommes-nous tous coachs?
Qu’est-ce qui se passe avec le coaching en entreprise?
Aujourd’hui, on dirait que tout le monde devient coach… Est-ce que c’est une mode passagère? Pas du tout! Il s’agit plutôt d’une tendance profonde. Les progrès en neuroscience et en éducation démontrent que le coaching au travail est excellent pour transférer les connaissances et développer des compétences.
Bien qu’adopter une position d’expert et contrôler les connaissances peuvent nous donner un certain statut et flatter notre ego, cette situation entraîne aussi plusieurs conséquences :
- Elle ralentit ou même arrête le déploiement de projets Lean parce que ça semble trop compliqué.
- Elle crée un clan Lean au lieu d’une culture Lean.
- Elle génère aussi de l’impuissance, car seul l’expert détient les réponses. Il devient donc impossible d’avancer sans cette personne.
D’un autre côté, adopter une posture de coaching en entreprise et transmettre ses connaissances a aussi quelques avantages :
- Cette approche crée une culture Lean et développe la capacité de chaque personne à contribuer aux efforts d’amélioration.
- Elle autonomise les gens et leur permet de travailler sur des projets alignés avec leurs capacités.
- Elle renforce la confiance au fil du temps, à mesure que la portée des projets évolue.
Et mon avantage préféré, celui dont j’ai fait l’expérience quand j’étais à la tête d’une équipe de 30 employés : ça réduit la charge de travail et la charge mentale. Les gens n’avaient pas besoin de mon approbation pour chaque petit détail et ne me demandaient pas mon aide sans arrêt. Ils savaient quoi faire et comment le faire, et pouvaient résoudre les problèmes par eux-mêmes. Quel soulagement! Et la seule personne qui a dû changer sa façon de faire, c’était moi…
Le coaching : un investissement humain
OK, je veux coacher. Maintenant, qu’est-ce que je dois savoir d’autre?
Pour commencer, le coaching n’est pas une solution miracle, mais plutôt un investissement dans une autre personne qui rapporte au fil du temps. Ça signifie former les gens et pousser une réflexion à long terme. Ces concepts sont maintenant assez connus dans le domaine de l’amélioration continue.
J’adore suivre la progression de la personne que je coache en choisissant l’autonomie comme objectif. Ça veut dire qu’à un moment donné, je m’attends à ce que la personne coachée réussisse à faire les choses par elle-même et idéalement qu’elle devienne coach à son tour.
La raison est simple, si je suis l’unique coach, alors je suis un goulot d’étranglement et je devrai coacher une autre personne à un moment donné. En développant des personnes aptes et confiantes, on pourrait en trouver quelques-unes dans le lot qui ont le potentiel de devenir elles-mêmes des coachs. Et avec plus de coachs, l’impact devient exponentiel à mesure que la capacité de développement des personnes augmente.
L’autonomie au travail est l’une des clés pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre. On ne peut pas gaspiller les ressources de gestion en microgérant comme on le faisait quand il y avait plus de travailleurs motivés que de postes à pourvoir.
Le pouvoir surprenant de l’autonomie
Il existe une croyance bien ancrée selon laquelle les gens sont motivés par les gains : plus vous atteignez d’objectifs, plus vous obtenez de récompenses (argent, points, etc.). Ça n’est vrai que pour les travaux mécaniques et les tâches simples. Ce type de système de récompense nuit à la motivation et à l’engagement quand les gens effectuent des tâches complexes ou cognitives. Si vous voulez que les gens réfléchissent, vous devez utiliser un autre type de motivation.
Voici celles qui fonctionnent pour les tâches complexes ou cognitives :
- But : Contribuer à quelque chose de plus grand, appartenir à un groupe, donner un sens à la tâche.
- Maîtrise : Sentiment d’amélioration des compétences, fierté du savoir-faire acquis.
- Autonomie : Faire preuve d’autodirection et faire appel au discernement, avoir une certaine liberté décisionnelle.
Dans le milieu de travail du XXIe siècle, bien des tâches mécaniques ont été automatisées, et celles qui ne l’ont pas été le seront bientôt. Le travail devient de plus en plus intellectuel, car même les travaux manuels demandent maintenant au moins quelques compétences en planification et en résolution de problèmes.
Enseigner et mesurer l’autonomie : un jeu d’enfant
Imaginez un enfant qui apprend à marcher.
Au début, le bébé est porté partout; il n’y a absolument aucune autonomie. Il ne porte pas son propre poids, il n’a pas le choix de l’endroit où il va, et il est impuissant si personne n’est là pour le porter. C’est l’étape que l’on appelle le « faire pour eux ». La compétence est « inexistante ».
Puis, on tient l’enfant quand il essaie de marcher. On porte un peu de son poids; on garde son équilibre alors qu’il s’habitue à se tenir debout. Avec la répétition, ses muscles se développent et il fait quelques pas. Il ne choisit pas beaucoup l’endroit où il va, mais il essaie de se déplacer. C’est l’étape de « l’enseignement ». L’enfant « apprend » la compétence.
Ensuite, l’enfant peut faire quelques pas hésitants seul et on lui tient la main. On ne porte plus son poids, mais on l’aide à garder son équilibre. Il décide où il va, à moins qu’on ne le retienne pour ne pas qu’il s’enfuie. On le garde en sécurité. C’est l’étape où l’enfant devient « compétent ». Il a acquis la compétence de la marche et il a besoin de « supervision, de soutien et de protection » pendant qu’il perfectionne sa nouvelle habileté. Supervision, soutien et protection, c’est le travail d’un coach.
La progression
Mais on ne peut pas toujours tenir la main de l’enfant. Il marchera seul, explorera le monde, décidera où il va, portera son propre poids et gardera son équilibre par lui-même. C’est l’étape où il est « confiant » et où on doit « lâcher prise ».
Cette métaphore est excellente, car elle montre que l’on doit adapter notre propre réaction pour qu’une personne développe une compétence, progresse, puis passe au prochain niveau.
- Faire les choses à sa place => pas de compétences ni d’autonomie
- Lui enseigner => apprentissage des compétences et peu d’autonomie
- La coacher => acquisition des compétences et autonomie encadrée
- Lâcher prise => confiance envers les compétences et pleine autonomie
Cependant, changer soudainement notre façon de répondre peut créer beaucoup de confusion et de détresse. Voilà pourquoi je suggère de dire à la personne coachée qu’elle est passée à une autre étape de son apprentissage et que l’on devrait donc passer à une autre étape de soutien. Cette approche a le double avantage de récompenser sa réussite et de réduire sa détresse en lui donnant un avis clair.
L’adaptation
Ce qui est intéressant avec la marche, c’est que même quand on a confiance en notre capacité et que l’on est un marcheur aguerri, on se retrouve à tenir la main de quelqu’un plusieurs fois au cours de notre vie. Quand on traverse un passage difficile durant une excursion, après une blessure, quand on a besoin de réconfort ou simplement pour communiquer, on se tient à ses côtés. On tend aussi la main quand on porte des talons trop hauts durant une soirée chic ou pour faire une pirouette spectaculaire en dansant. C’est agréable de pouvoir tenir la main d’une personne chaque fois qu’on mène une lutte ou qu’on relève un défi. Voilà pourquoi le lâcher-prise n’est pas un abandon. On peut rester tout près de la personne en cas de besoin ou on peut donner un peu de coaching éclair pour aider une personne que l’on avait déjà coachée.
Passer de la compétence à la confiance
Les encouragements et les célébrations sont de super leviers de coaching pour développer et renforcer les compétences. On peut utiliser les trois éléments de motivation pour offrir du renforcement positif tout en coachant une personne afin de l’aider à acquérir une nouvelle habileté.
Étape 1 : la maîtrise
Souligner la maîtrise d’une habileté se fait en rendant les progrès clairs et évidents pour la personne coachée, car il se peut qu’elle ne sache pas encore comment évaluer ses propres progrès.
Il y a certains points que l’on doit repérer dans nos observations afin de les mettre en lumière pour la personne coachée : un travail bien fait, les progrès réalisés dans une compétence ou encore le déblocage d’une nouvelle compétence. On ne veut surtout pas rater une occasion de souligner ses progrès à la personne coachée, car sa perception du progrès est sa source de motivation et d’engagement. Quand la personne progresse sans s’en rendre compte, elle ne peut pas développer sa confiance. Cette situation crée des gens qui ont besoin d’une validation externe pour tout ce qu’ils font.
Une autre réaction courante à une perception de stagnation est l’impuissance. Quand les gens ne voient aucun résultat, ils arrêtent d’essayer. C’est essentiel de souligner une réalisation avant de fixer le prochain objectif, car ça permet au cerveau d’enregistrer ce progrès.
Étape 2 : le but
Pour fixer un but et des compétences à développer dans le cadre d’une tâche, on doit donner un sens au travail.
- On peut en apprendre plus sur les valeurs de la personne coachée afin de relier ses compétences à quelque chose qui lui tient à cœur.
- On peut favoriser le sentiment d’appartenance grâce à des expériences communes.
- On peut recadrer ses intentions pour les faire passer d’un point de vue transactionnel à un point de vue plus significatif.
Fixer un but est vraiment l’un des leviers de motivation les plus faciles à utiliser, car les gens savent déjà ce qui est important pour eux. Il suffit de leur demander en quoi la compétence qu’ils apprennent contribue à leur objectif. S’ils ne le savent pas, on doit simplement les aider à voir plus large.
L’amélioration continue vise à rendre le monde meilleur, c’est un bon départ, non? Ensuite, on doit déterminer pourquoi une personne a choisi ce contexte, cette industrie ou ce projet précis parmi les millions d’autres options.
Étape 3 : l’autonomie
Le développement de l’autonomie se fait en poussant doucement la personne coachée à faire les choses par elle-même. Voici comment y arriver :
- On doit d’abord lui indiquer ses options et la laisser choisir.
- On peut ensuite lui demander d’identifier ses choix et de se décider.
- On peut discuter de ses capacités et voir à quel point elle se sent à l’aise, puis lui demander de sortir un peu de sa zone de confort plus pour voir si elle réussit tout en lui assurant un cadre où il est sécuritaire pour elle d’échouer.
La confiance d’un coach envers la capacité d’une personne coachée peut faire des merveilles dans sa motivation à devenir autonome.
N’oubliez pas que vous ne pouvez pas tenir une personne par la main éternellement! Si vous le faites, ça nuira à son développement même si vous aimez aider.
Apprendre à lâcher prise?
Imaginez qu’un parent s’éloigne à quelques pas de son enfant et l’encourage à marcher jusqu’à lui. C’est une façon de tester si l’enfant peut marcher quelques pas seul et de fixer un petit objectif pour la prochaine victoire. Après l’avoir félicité, le parent peut reculer petit à petit pour continuer à renforcer les habiletés de son enfant.
C’est ce qu’on oublie parfois dans le coaching : il faut se fixer de petits objectifs, tester la compétence ciblée tout en encourageant la personne coachée, souligner la réussite et passer à un objectif plus difficile. Dire « Tu deviens bon, je te laisse essayer seul cette fois » ou « Beau travail, on va rendre les choses un peu plus difficiles la prochaine fois » est à la fois un défi et une récompense.
N’oubliez pas : la maîtrise (prendre conscience des progrès) et l’autonomie (faire les choses soi-même) sont deux solides sources de motivation. Et en augmentant la difficulté et l’objectif, on construit la confiance progressivement.
Pour savoir quand je dois lâcher prise, je teste deux compétences chez les gens que je coache :
- J’arrête de leur proposer de l’aide et j’attends qu’ils reconnaissent leur besoin et qu’ils me demandent un coup de main.
- J’arrête de les féliciter directement et je leur pose plutôt des questions pour savoir s’ils peuvent autoévaluer leur travail.
Conclusion sur le coaching
Pour conclure, en modifiant légèrement la façon dont on dirige, enseigne et coache, on aide les gens à devenir totalement autonomes, à déléguer avec confiance à des personnes compétentes et confiantes, et à décupler notre impact.
Lâcher prise, accepter que l’on ne soit pas indispensable ou que l’on n’ait pas toutes les réponses est parfois difficile. Mais ce changement de mentalité et de comportement est très gratifiant. Voir les personnes que l’on a coachées devenir coachs à leur tour remplit le cœur de fierté.
Et surtout, il ne faut pas être triste. Même les personnes confiantes et compétentes auront encore besoin d’un coup de main de temps en temps. Elles ne disparaîtront pas pour toujours… La relation de confiance qu’on bâtit en coachant une personne tout en respectant son autonomie est un lien solide.
Pour devenir un meilleur coach, voici les deux options que nous vous offrons:
Par Julie Savage-Fournier
Ingénieure industrielle
Lean Six Sigma Master Black Belt
Adapté d’un article originalement publié dans The Lean Mag.
Questions bonus
Le coaching en entreprise encourage l’autonomie en incitant les employés à prendre des décisions par eux-mêmes. Cela se fait en les guidant d’abord pour qu’ils identifient leurs options et choisissent leurs actions, et en créant un environnement où l’erreur est acceptée comme partie intégrante de l’apprentissage.
Le rôle d’un coach est de reconnaître les progrès réalisés par l’employé, de l’aider à fixer des objectifs significatifs et de l’encourager à dépasser son seuil de connaissances en lui offrant soutien et feedback constructif. Le coach aide également l’employé à relier ses apprentissages à ses valeurs personnelles pour renforcer sa motivation.
Le coaching aide à progresser en fixant de petits objectifs successifs, en testant les compétences en situation réelle, et en fournissant un feedback immédiat. Cet accompagnement structuré permet aux employés de construire progressivement leur confiance en eux-mêmes et en leurs capacités. Dans le kata de coaching, le rôle explicite est de rendre l’employé compétent dans la pratique du kata d’amélioration.
Relâcher progressivement le contrôle est important pour permettre à l’employé de développer sa propre maîtrise des compétences. Ceci permet de renforcer son autonomie et sa confiance, en le poussant à agir de manière indépendante et à s’autoévaluer.